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Retrait des subventions du pétrole au Nigeria: La bévue du Président Tinubu

Le Président Bola Ahmed Tiubu lors de sa prestation de serment

« Il y aura des décisions très, très dures. Pourquoi devrais-je continuer de payer de subventions pour le Cameroun, le Niger et la République du Bénin ? ». Ainsi tempêtait Ahmed Asiwaju Bola Tinubu qui venait à peine d’être investi nouveau Président élu du Nigeria. Devant les représentants des travailleurs et ceux de la société en charge de la commercialisation du pétrole, il justifiait son premier acte sur le retrait de la subvention de l’Etat sur le pétrole. C’est la première décision et le « plat d’entrée » que l’héritier de Buhari offre aux Nigérians le lendemain même de son installation.

Sa gestion s’annonce tout aussi tumultueuse. Bola avait l’air sérieux puisqu’il dira même peu importe la durée que prendra les protestations syndicales. Dans son face à face avec le National Labour Congress (NLC), le tout puissant syndicat des travailleurs du pays, et la Nigerian National Petrolium Company (NNPC), la principale société de commercialisation du pétrole, il a été direct et intransigeant voire un peu virulent et ennuyant, avec des attaques contre les voisins du Nigeria dont le Cameroun, le Niger et le Bénin.

Dans son intervention, la discourtoisie et le manque de diplomatie s’y sont même invités. Le nouveau locataire d’Aso Rock s’est mis à cœur joie à indexer les grands voisins du Nigeria. Il a laissé glisser une bourde. Soit par ironie soit par insouciance, il a, dans une courte vidéo interceptée et capturée sur le réseau social Tik-Tok, cité trois pays dont le Niger dont ses prétentions laissent croire que le pays qu’il dirige désormais subventionne le carburant.

On ignore la base légale qui sous-tend les déclarations de Tinubu. On ne connait pas non plus si le nouveau chef d’Etat de la République fédérale dispose d’arguments officiels solides pour confirmer ses affirmations. Ou bien se s’appuie-t-il, comme tout autre homme de la rue, sur le fait certains citoyens nigériens s’en approvisionnent du fait de la proximité et de l’insuffisance de régulation du secteur ? Lequel de ces trois pays se reconnaît dans ces propos à l’allure d’allégations et de contrevérités développées par Bola? Puisqu’en le disant ainsi, c’est comme si le Nigeria, subventionne le pétrole officiellement pour ces pays et les expose ainsi que leurs citoyens à la vendetta de certains Nigérians tout aussi moins informés comme lui.

Toutefois, s’il a voulu exposer un problème réel, le septuagénaire n’a pas su choisir et trouver les mots. Il n’a pas aussi été au bout de son raisonnement. Entre délire et incongruité, il semble évoquer un problème dont il n’a pas la maîtrise. Si son show a donné droit à une pluie d’applaudissements à l’audience, le Président Tinubu n’a pas pris le soin d’expliquer ce qu’il entendait par « payer des subventions du pétrole » pour ces trois pays frontaliers du Nigeria. Si on ignore ce qui se passe entre le Cameroun et le Bénin et son pays sur ce sujet précis, on sait au moins que le Nigeria ne subventionne pas le pétrole pour le Niger puisque le Niger n’achète pas d’hydrocarbures au Nigeria. Depuis plusieurs années, le pays se tournait vers des producteurs comme le Venezuela pour s’en approvisionner avant l’avènement de son propre pétrole. En tout cas, s’il y en a une, les Nigériens n’ont jamais senti la subvention à laquelle faisait allusion le Président Tinubu ou bien alors c’est parti ailleurs. Puisque sous le régime Tandja Mamadou et aujourd’hui encore, les Nigériens n’ont jamais payé le carburant à la pompe en deçà de 500F le litre pendant que les Nigérians se l’achetaient chez eux à l’équivalent de 200F voire 150FCFA.

En clair, parler de subvention du pétrole pour le Niger ressemble à une de corriger à l’avenir. Cela s’apparente aussi au fait que Tinubu semble peu ou pas du tout informé de la situation dont il prétend pourtant en avoir la maîtrise ou du moins d’en être le cowboy sur qui la chose tombe dessus la tête comme un couperet de l’administration Buhari. S’il ignore ce qui se passe au Bénin à quelques 400 kilomètres de son Lagos natal, alors comment peut-il savoir la situation dans des pays qui se trouvent à plus d’un millier de kilomètres de chez lui. Mais on peut concéder à l’ancien gouverneur de Lagos le fait d’être coupé des réalités du Nigeria, lui qui semblait se cloitrer dans son Lagos ancestral, pris entre business et « fabrication » de son gotha politique pour tout simplement son ascension à la Villa à Abuja.

Manifestement, Bola Tinubu fait allusion à certains citoyens de ces pays qui pourraient bien franchir les frontières pour s’en approvisionner soit par fraude soit par des procédés peu orthodoxes. Peut-être aussi, il voudrait bien dire à quel point la subvention profite à certaines populations de ces pays frontaliers du Nigeria qui, à cause de la proximité et de la baisse du prix à la pompe, se sont toujours bien frotté les mains et se faufilent pour renflouer, à l’insu de ou en complicité avec les propriétaires des stations-service, leurs moteurs voire prendre des réserves pour demain ou même mettre sur le marché noir.

Dans ce cas de figure, il n’a aucune raison d’aller dans ces affirmations. Au lieu d’indexer des voisins, il revient aux nouvelles autorités de réguler ce secteur notamment au niveau des stations-service en fixant la quantité de carburant à vendre aux étrangers à la pompe et en réfléchissant sur les multiples déguisements et facettes que pourraient prendre les fraudeurs. Quitte à lui de se mettre à couteaux tirés avec les cartels dont beaucoup sont à l’origine de son arrivée à la présidence ! C’est en tout cas une option qui s’offre à lui au lieu de s’arc-bouter sur ce prétexte pour ôter la chose la plus essentielle aux citoyens ou de commettre une incartade politico-diplomatique qu’aucun des pays indexés ne peut cautionner ou tolérer.

Mamane Abdou

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