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Plaidoyer pour une assemblée mondiale sur le climat) Boîte de réception

-Laurence Tubiana et Ana Toni
Laurence Tubiana, ancienne ambassadrice de France auprès de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, est directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et professeure à Sciences Po. Ana Toni est secrétaire nationale au changement climatique au ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Brésil.

NEW YORK – Cela fait presque dix ans que les pays se sont réunis à Paris et ont finalement décidé de prendre au sérieux la lutte contre le réchauffement climatique. Mais si un consensus se dessine sur les réformes économiques structurelles nécessaires pour transformer des secteurs comme l’énergie, les transports et l’agriculture, les investissements nécessaires ne sont pas réalisés assez rapidement.

Au contraire, nos systèmes de gouvernance peinent à trouver une réponse adéquate à une crise climatique et écologique de plus en plus évidente et grave. Bien que de nombreux gouvernements aient proposé des mesures climatiques énergiques, celles-ci déclenchent souvent une réaction sociale, car elles sont perçues comme injustes et inéquitables. Beaucoup voient dans ces politiques des opposants entre les personnes âgées et les jeunes, les villes et les campagnes, ou les pays du Nord et du Sud. De telles controverses sont parfaitement adaptées aux réseaux sociaux, où elles mûrissent puis pourrissent dans une serre de désinformation, de rhétorique incendiaire et de polarisation.

Si l’argument de la nécessité d’une réforme majeure a été retenu, celui de la manière de la mener à bien de manière équitable n’a pas été retenu. Ce défi ne fera que s’aggraver à mesure que nous avancerons dans la transition vers la neutralité carbone. La plupart des gens sont profondément préoccupés par la crise climatique : dans une enquête menée dans 18 pays du G20, 71 % des personnes interrogées ont convenu qu’une action majeure était nécessaire immédiatement pour réduire les émissions de carbone. Mais la confiance dans l’action gouvernementale fait défaut, seuls 39 % d’entre eux estimant que leur propre gouvernement agira efficacement.

Une façon de combler cette lacune est de permettre aux citoyens de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques et mesures climatiques conçues par les gouvernements. Au lieu de laisser les politiques climatiques imposées par des technocrates d’en haut, les gouvernements devraient adopter des approches combinant des méthodes « descendantes » et « ascendantes », ces dernières réunissant des citoyens ordinaires chargés de façonner une vision commune de l’avenir.

Il existe déjà des exemples réussis de ces méthodes participatives. En France, les assemblées de citoyens sont des organes décisionnels composés d’individus sélectionnés au hasard et représentatifs de la population, qui délibèrent sur une question spécifique d’intérêt public et formulent des recommandations politiques.

En plus de favoriser le consensus sur des sujets qui divisent, les assemblées citoyennes sensibilisent le public à des questions politiques complexes et donnent aux citoyens un rôle direct dans les décisions qui affectent leur vie. Ces éléments sont particulièrement importants pour des questions telles que la transition vers le zéro émission nette, qui implique des changements économiques majeurs qui peuvent laisser les communautés divisées. Contrairement aux politiciens, les membres des assemblées prennent des décisions sans pression électorale ni lobbying. Parmi les exemples notables, citons les assemblées irlandaises sur l’égalité du mariage et l’avortement, qui ont conduit à des référendums nationaux et à une législation révolutionnaire ; et l’assemblée française sur le climat, qui a contribué à façonner son projet de loi climatique le plus ambitieux à ce jour.

L’approche participative adoptée de longue date par le Brésil en matière d’élaboration des politiques s’est également révélée fructueuse. Par exemple, son Plan Climat est élaboré par une structure de gouvernance qui inclut plusieurs ministères du gouvernement fédéral ainsi que des représentants de la communauté scientifique, des gouvernements infranationaux, du secteur privé et de la société civile.

En outre, une plateforme participative sur le climat (impliquant des échanges à la fois numériques et en personne) a été lancée pour inviter tous les citoyens brésiliens à proposer des solutions. La Conférence nationale sur l’environnement et le Conseil national de développement économique et social, en donnant la priorité au Plan climat, ont contribué à renforcer ce processus ascendant.

De telles méthodes peuvent éloigner les propositions de politique climatique des sources de polarisation et les orienter vers des possibilités de collaboration et de délibération. Parmi les pays du G20, 62 % des citoyens sont favorables au recours aux assemblées citoyennes pour la prise de décision, et ce chiffre a dépassé les 70 % dans des pays comme le Brésil, l’Inde, l’Indonésie, le Mexique et l’Afrique du Sud, et plus de 80 % au Kenya. Plus de 170 assemblées citoyennes ont été organisées dans plus de 30 pays, chacune avec pour objectif d’accélérer l’action climatique de manière à soutenir une transition juste et équitable pour tous.

En nous inspirant du modèle du Forum social mondial , nous avons besoin aujourd’hui d’un Forum social et climatique mondial, ou d’une Assemblée citoyenne mondiale pour les peuples et la planète , qui rassemblerait les citoyens de tous les pays, non seulement pour tracer une voie collective à suivre, mais aussi pour repenser nos politiques et encourager un bilan éthique mondial. Ce serait une occasion pour l’humanité de se rassembler, de comprendre les aspirations et les angoisses de chacun et de co-créer une transition verte qui profite à tous. Plutôt que de laisser quelqu’un de côté, nous pouvons forger un nouveau contrat social ancré dans la solidarité, l’équité et la justice.

En 2015, la France et le Pérou ont mis en place un nouveau mécanisme, le Programme d’action , car ils ont reconnu que l’ampleur du changement nécessaire pour faire face à la crise climatique exige plus que la simple action des gouvernements. Il dépend également de la richesse des idées que la société civile – y compris les entreprises, les villes et les collectivités – a à offrir.

Alors que les pays se préparent à annoncer leurs prochains engagements climatiques en 2025, nous devons reconnaître le rôle essentiel que les citoyens ordinaires doivent jouer, à la fois individuellement et collectivement, pour faire face à la crise climatique. À la COP30 et au-delà, nous devons offrir un espace dédié pour entendre chaque voix et veiller à ce que la transition soit non seulement rapide mais équitable. Sans cela, nous n’atteindrons pas nos objectifs communs. C’est pourquoi le Brésil s’est engagé à faire de la COP30 (en novembre 2025) la COP des peuples et à donner à chaque personne sur Terre la possibilité de participer à la construction de notre avenir commun.

Laurence Tubiana, ancienne ambassadrice de France auprès de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, est directrice générale de la Fondation européenne pour le climat et professeure à Sciences Po. Ana Toni est secrétaire nationale au changement climatique au ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Brésil.

Droits d’auteur : Project Syndicate, 2024.
www.project-syndicate.org

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