«…les gens ne savent pas que le décès maternel est en train de faire des ravages dans la communauté…»
A l’occasion du Forum National sur les décès maternel et périnatal tenu du 13 au 15 novembre 2024 à Niamey, nous avions rencontré Dr Manzo Farouk, Directeur Régional de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales de Zinder. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Dr Manzo a fait le point de la situation, en évoquant notamment les principales causes de la mortalité maternelle et périnatale au Niger, les mesures prises pour y faire face, les attentes du Forum et les différents engagements pris par les parties prenantes.
Infoniamey : Un Forum National de haut niveau sur le décès maternel et périnatal est en cours à Niamey au Niger. Qui sont les acteurs et dans quel but ?
Dr Manzo Farouk : Merci de m’avoir donné l’opportunité de partager à travers vos canaux les grandes décisions sur lesquelles nous sommes en train de nous orienter au cours de ce forum. Comme vous l’avez constaté, c’est est un forum qui est composé de différents acteurs. Au-delà de nous autres cadres de santé, vous avez constaté, il y a des autorités, des chefs coutumiers, des leaders religieux, la société civile, des leaders des mouvements féminins, ainsi de suite pour que chacun puisse apporter sa contribution. Et le véritable point sur lequel nous sommes en train de discuter, d’échanger ou d’insister, c’est la participation de tout un chacun sur la chaîne de prise en charge pour réduire les décès.
Infoniamey : Un défi à relever au Niger, c’est l’accès aux soins des femmes enceintes. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Dr Manzo Farouk : Déjà nous, à notre niveau, au niveau institutionnel, nous sommes en train de mettre un dispositif qui va faciliter l’accès aux soins. On peut déjà le dire, avec la réduction des tarifs, nous avons constaté une augmentation des fréquentations des centres de santé. L’autre aspect, c’est surtout l’aspect communautaire. Les femmes doivent venir à temps. Et comment doivent-elles venir à temps? Il faut que les différents acteurs, les hommes que nous sommes, qu’on accompagne ces femmes-là pour qu’elles puissent venir à temps. Il faut aussi que les femmes acceptent elles-mêmes de faire recours aux centres de santé dès que possible à travers les consultations prénatales, au cours de l’accouchement assisté mais aussi de respecter les consignes données par les agents de santé pour diminuer le risque.
Infoniamey : Quelle est la principale cause des décès maternels au Niger ?
Dr Manzo Farouk : Au Niger, 71% de décès maternels est liée à l’anémie. Pourtant l’anémie est une cause qu’on peut éviter. Comment l’éviter, en dehors de l’alimentation, quand les femmes viennent pour une consultation prénatale, il y a des médicaments qui leur sont distribués gratuitement. C’est le traitement préventif contre le paludisme, c’est le déparasitage, c’est la supplémentation en fer. Si les femmes acceptent de se soumettre à ce traitement, ça diminue considérablement le risque de l’anémie.
Infoniamey : L’anémie est, comme vous venez de le préciser, une cause évitable de décès maternels. Il y en a-t-il d’autres et comment, elles aussi, les éviter ?
Dr Manzo Farouk : La deuxième cause de décès maternels, c’est la pré éclampsie ou si vous voulez, l’hypertension que les Haoussa appellent »borin guishiri ». Ça aussi, c’est une cause qu’on peut éviter puisque son installation dans l’organisme est progressive. C’est sur quatre, cinq, voire six mois. Donc, si la femme consulte et qu’elle consulte à temps, respecte les consignes données par les agents de santé, je pense qu’on peut réduire les risques. Et cette cause de mortalité maternelle constitue 19%. Et quand vous faites l’addition, ça fait déjà 90% déjà des causes qu’on peut éviter. L’autre aspect, la troisième cause des décès maternels, ce sont les infections. Les infections, nous avons de quoi faire face. C’est juste la consultation à temps pour qu’on puisse asseoir une anti biographie qui peut nous permettre de les juguler. Voilà ce que, nous, à notre niveau, nous sommes en train de faire. Mais quand les femmes ne viennent pas au niveau des formations sanitaires, quand les hommes n’amènent pas à temps les femmes, ne les encouragent pas à aller consulter, cela va constituer un véritable problème. Mais, quand aussi de l’autre côté, les gens ne savent pas que le décès maternel est en train de faire des ravages dans la communauté, ils ne peuvent pas se sentir concernés par la lutte qui est en train de se mener.
Infoniamey : Qu’elle place pour les médias au cours de ces assises, monsieur le Directeur Régional de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales ?
Dr Manzo Farouk : Dieu merci. Ce que vous, en tant que médias, vous êtes en train de faire, va assurément permettre de passer l’information, de partager l’information avec tous ceux qui sont loin d’ici, avec tous ceux qui sont à Bilhardé, à Dossono, à Kara, etc. Ainsi de suite, toute cette population sera informée et sensibilisée et cela va nous permettre d’avancer.
Infoniamey : Qu’est-ce qui est véritablement attendu à l’issue du Forum ?
Dr Manzo Farouk : D’ici la fin du forum, nous allons faire en sorte que chacun des acteurs, selon les instructions du Ministre de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, puisse prendre des engagements et que ces engagements soient smart. Au fait, qu’est-ce que vous pouvez faire qu’on peut évaluer? Quand vous dîtes : nous voulons améliorer l’évacuation. Non, comment améliorer l’évacuation? Nous voulons doter la structure de tel nombre de litres de carburant pour aider ou nous voulons assurer la sensibilisation. Ok, combien de sensibilisations faut-il assurer ? Nous voulons que ces engagements soient non conditionnés. Nous sommes dans un contexte de souveraineté. Chacun peut apporter sa contribution sans pour autant attendre un financement d’ailleurs. Vous êtes chef de Canton, chef de village, à chaque occasion, vous pouvez faire de la sensibilisation. Vous êtes agent de santé, vous avez les moyens de bord, vous pouvez agir. Ainsi de suite, c’est ça que nous voulons faire pour que, dans peu de temps, nous puissions maîtriser la mortalité maternelle qui est en train de nous rendre triste chaque jour.
Interview réalisée par Bassirou Baki