Déclenchée le 26 juillet dernier suite au coup d’Etat perpétré par la garde présidentielle dirigée par le Général de Brigade Abdourahamane Tiani, la crise qui secoue le Niger est loin d’atteindre son épilogue. Le bras de fer entre la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté Internationale d’une part et le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) d’autre, se poursuit et chaque camp affûte ses armes dans une atmosphère pleine d’incertitude et d’angoisse pour le peuple nigérien, qui pourtant a besoin juste de la paix, la quiétude et la cohésion sociale.
Refus de recevoir tout émissaire de la CEDEAO par la junte, durcissement de ton du côté de l’organisation sous régionale soutenue par la ‘’Communauté Internationale’’, jusqu’où ira ce bras de faire et comment trouver un modus vivendi entre les protagonistes, la question est sur toutes les lèvres ici au Niger et partout ailleurs dans le monde.
Après un 1er sommet extraordinaire le 31 juillet 2023, la CEDEAO a tenu un 2ème sommet sur la crise née de la prise du pouvoir par la force, le 26 juillet dernier. Comme à la première rencontre, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’organisation sous régionale ont maintenu la batterie des sanctions prises contre le Niger, le 31 juillet passé. Plus grave, la réunion du 10 août a annoncé l’activation de la force en attente pour intervenir militairement afin de ramener l’ordre constitutionnel avec à la clé, la réinstallation du Président déchu Mohamed Bazoum dans sa fonction.
En campant sur sa position, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest répond visiblement à l’option choisie par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui oppose une fin de non-recevoir aux émissaires envoyés par la CEDEAO à Niamey.
Abdusalami Abubakar, Sultan de Sokoto Sa’ad Abubakar III et la mission tripartite CEDEAO-UA-ONU, ont tous, soit rebroussés chemin, soit refusés d’être reçus par la junte pour des raisons qui sont propres au Général de Brigade Abdourahamane Tiani et ses camarades. La colère de la CEDEAO se serait accentuée visiblement avec la composition d’un gouvernement par la junte, la veille même du sommet d’Abuja, ce qui constitue une gifle sur les joues de la CEDEAO.
Tinubu sourd aux appels des opposants des esprits va-t-en-guerre
Dès l’annonce des sanctions de la CEDEAO, plusieurs voix se sont levées au Niger et en Afrique de l’Ouest pour demander au Président nigérian et président en exercice de la CEDEAO, Bola Ahmed Tinubu de lever les sanctions qui en réalité impacteront plus sur le quotidien des populations que sur les principales cibles.
Citoyens lambda, certains dignitaires du régime déchu, sénateurs nigérians, gros bonnets du Nord Nigeria, Ulémas et aussi les anciens Premiers Ministres et Présidents de l’Assemblée nationale du Niger ont tous demandé au Président Tinubu de reconsidérer la position de la CEDEAO envers le Niger.
Mais Tinubu agit au nom de ses pairs, les chefs d’Etat des pays membres de l’organisation économique régionale dont chaque pays membres individuellement pris a signé la charte de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance qui exige en cas d’interruption du processus démocratique par la force dans un Etat, l’imposition des sanctions.
Une communauté Internationale solidaire avec la CEDEAO
Comme à leurs habitudes dans la plupart des pays où les coups d’Etat ont mis fin au processus démocratique, les puissances étrangères appelées Communauté Internationale condamnent le renversement des régimes démocratiques avant de s’aligner sur les organisations régionales qui réclament le tour à l’ordre constitutionnel normal. C’est à cette complicité qu’on assiste aujourd’hui entre la CEDEAO et la Communauté Internationale sur la crise nigérienne.
Ce jeudi 10 août 2023, cette Communauté Internationale a été fortement représentée à Abuja au 2ème sommet extraordinaire de la CEDEAO. La France, les Etats-Unis, bref, tout le bloc occidental s’est dit solidaire des décisions prises par la CEDEAO dans le bras de fer qui l’oppose à la junte nigérienne.
« Les Etats-Unis soutiennent fermement la position réitérée par les dirigeants des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) appelant aujourd’hui au rétablissement de l’ordre constitutionnel normal au Niger et à la libération immédiate du Président Mohamed Bazoum », a écrit sur sa page, le Secrétaire D’Etat Antony Blinken.
Même position au niveau de la France qui affirme son plein soutien à l’ensemble des conclusions adoptées à l’occasion de ce sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernements de la CEDEAO du 10 août 2023.
Dans ce climat extrêmement tendu qui pour amener les parties prenantes à poser les jalons d’un dialogue en vue de sortir de cet imbroglio politico-militaire au Niger.
L’ex émir de Sokoto Sanusi Lamido Sanusi et Mahamat Idris Déby, les hommes de la situation ?
Depuis le déclenchement de cette crise à la date d’aujourd’hui, le Président tchadien Mahamat Idriss Déby et l’ex émir de Kano Sanusi Lamido Sanusi sont les seuls qui ont rencontré le Président du CNSP, le général de brigade Abdourahamane Tiani. Lors de son déplacement à Niamey, le Chef de l’Etat tchadien a même rencontré le Président déchu Mohamed Bazoum, le dimanche 31 juillet 2023.
Si le premier a été mandaté par les Chefs d’Etat de la CEDEAO, lors du 1er sommet extraordinaire d’Abuja, le second est venu de son propre chef pour proposer ses services auprès de la junte afin de poser les jalons d’un dialogue entre les parties prenantes.
L’ex émir de Kano pourrait-t-il fléchir les positions et amener les uns et les autres sur la table des négociations ? En tous cas, il est considéré auprès d’une certaine opinion publique au Niger comme l’homme de la situation car après deux semaines de crises, il est le seul qui a pu rencontrer le président du CNSP sans avoir être mandaté par un pays ou une quelconque organisation.
Ibrahim Moussa