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Portrait : A la découverte de Hikima, la petite élève prodige de la ‘’Tchadienne’’

Hikima Amadou, élève, prodige de la  »tchadienne »

Hikima Amadou, une fille de 14 ans, mais qui parait avoir 9 ou 10 par sa taille, est vraiment petite. Atteint-elle 1 m 10 ou 1,20 m ? Nous ne sommes pas assez bon géomètre pour le préciser. Ce qui est sûr, elle est mince et légère et semble avoir une taille qui ne reflète véritablement pas son âge. De toutes les façons, son physique ne semble pas la gêner pour vivre sa vie.

Sa petite taille lui permet d’être souvent en groupe avec des enfants moins âgés. Sur eux, elle exerce une véritable autorité et se comporte en meneuse. C’est elle qui distribue les rôles pendant les jeux et ses petits compères acceptent sans discuter, chacun semble d’ailleurs s’y retrouver.

En cas de cérémonie de mariage ou de baptême dans sa propre famille ou une autre dont sa mère est proche, nous l’avons vue souvent arpenter les rues du quartier pour distribuer concession par concession des petits bonbons synonymes d’invitation à une surprise-partie pour fêter l’évènement.

A cette occasion, c’est elle qui détermine combien chaque enfant doit contribuer, quel met et quel breuvage préparer.

Hikima est souvent sollicitée par les jeunes filles et femmes du quartier Bassora où elle vit afin de leur maquiller les mains et les pieds. Elle pratique sur elles ce que, ici au Niger, on appelle ‘’Tchadienne’’.

Elle les maquille avec du henné, une plante décorative utilisée dans les maquillages, en traçant des figures artistiques sur leurs pieds et leurs mains et reçoit de leur part, qui 500 FCFA, qui 1.000 FCFA.

Pour les enfants sur qui elle exerce sa prestation, elle gagne de fois 250 FCFA auprès de leurs parents.

Nous l’avons trouvée chez sa mère alors qu’une dame du quartier se fait maquiller les mains. « Hikima connait faire la ‘’Tchadienne’’. Chaque fois je viens la voir pour mes pieds et mes mains. De fois, je l’appelle chez moi », nous confie celle-ci.

« Certaines femmes ne me donnent rien parce qu’elles sont de la famille ou connaissent ma mère », dit Hikima en riant.

Elle reprend cette année la classe de CM2 à l’école primaire Cité Salou Djibo au Quartier Bassora de Niamey.

« Ce que je gagne, je le donne souvent à ma mère et je garde un peu pour la récréation à l’école », ajoute la petite Hikima en tirant son voile pour davantage se cacher le visage.

« Certains de mes vêtements, ma mère me les a achetés avec l’argent que je lui confie et me garde. Ce n’est pas beaucoup, mais elle m’achète jusqu’aux cahiers avec ça », se réjouit la petite enfant.

Orpheline de père, elle vit avec sa mère et ses deux frères, tous les deux renvoyés de l’école. Le premier a étudié jusqu’en 3ème et s’est présenté deux fois au BEPC (Brevet d’Etude du Premier Cycle) sans succès.

Il a tenté sa chance une troisième fois en candidat libre mais c’était pour essuyer encore un autre échec. Le même échec, il n’a pas pu y échapper lors du concours organisé par la Gendarmerie Nationale la même année où il a posé sa candidature libre au BEPC.

Le second des frères de Hikima est resté à l’école jusqu’en 5ème mais a préféré rejoindre un garage de réparation autos pour apprendre la mécanique.

Hikima Amadou a aussi une sœur qui s’est mariée à un tapissier du quartier après avoir fréquenté l’école jusqu’en 3ème et plusieurs échecs au BEPC.

« C’est avec elle que j’ai appris à faire la ‘’Tchadienne’ en la regardant faire sur les enfants », reconnaît-elle. « J’ai commencé à faire cette activité en m’exerçant sur les enfants confiés à la garde de ma mère », nous fait-elle savoir en souriant, faisant apparaître de petites dents bien rangées.

Sa mère travaille à temps partiel dans un pressing. Elle bénéficie d’une grande notoriété dans le quartier et même au-delà. Les femmes lui vouent une grande confiance et lui accordent beaucoup de respect.

C’est ce grand respect et cette grande confiance qui les guident quand elles lui confient la garde de leurs enfants quand elles partent travailler.

Beaucoup d’entre elles préfèrent sa compagnie quand elles partent accoucher à la maternité, les jours qui suivent l’accouchement et même pendant le baptême. Elle est la maîtresse de cérémonie que beaucoup de familles préfèrent avoir même quand il s’agit d’un mariage.

Halima, c’est son nom, court de gauche à droite, est sollicitée à tel baptême ou tel mariage pour, à chaque fois, pour donner son coup de main, à la grande satisfaction des familles.

Malgré ces efforts, Hikima et sa famille sont sérieusement démunies. Elles ont vécu pendant des années dans divers squats à travers la ville de Niamey avant d’être contraintes d’abandonner le dernier qu’elles occupaient, chassées par les inondations.

Actuellement, elles vivent dans un ‘’célibatérium’’, dans une maison à une chambre et un salon. Sa mère, sa belle mère, ses deux frères, certains de ses neveux et parfois des enfants confiés à la garde de sa mère s’y pressent pour s’abriter.

Pour l’instant que la rentrée des classes approche, Hikima entend redoubler d’efforts pour décrocher son CFEPD (Certificat de Fin d’Etude du Premier Degré).

« J’aimerais devenir infirmière », nous dit-elle pensive. « Si je n’y arrive pas, je vais continuer à exercer la ‘’Tchadienne’’. Peut-être, un jour, j’aurai assez d’argent pour ouvrir mon propre salon de maquillage et de coiffure », ajoute Hikima.

Bassirou Baki